CAMP DE BASSENS
(Gironde)

Ce camp a été établi dans la 18ème Région Militaire et figure sur une liste de camps d'internés civils en date du 19 novembre 1940 du Service Historique de l'Armée de Terre.

Lettre de Vichy du 14-5-1940 à destination d'un interné allemand.
Censure manuscrite du camp sur bande de fermeture.

Faute d'information concernant ce camp, cette page est longtemps restée succincte. Or, grâce à ce site, j'ai pu entrer en relation en mars 2008 avec le Professeur Alain RUIZ, de l'Université Michel de Montaigne Bordeaux III, auteur de l'étude "CARL EINSTEIN im EXIL" dans laquelle il est très largement fait état du CAMP DE BASSENS. Ainsi, le voile s'est levé sur l'existence et le fonctionnement de ce camp ; je ne saurais trop remercier le Professeur RUIZ de son aimable démarche.

Le CAMP DE BASSENS, situé à environ douze kilomètres de BORDEAUX occupait une ancienne poudrerie construite pendant la Première Guerre Mondiale dans la zone portuaire de BASSENS, sur la rive droite de la Garonne et désaffectée depuis 1921.

Au printemps 1940, les bâtiments de cette poudrerie furent aménagés pour recevoir des étrangers "indésirables". Aujourd'hui, la nature a repris ses droits et le site est envahi par une végétation abondante et sauvage.

Environ 1100 détenus dont 750 étaient des Israélites et auxquels il faut ajouter 350 militaires allemands capturés au début de la "guerre-éclair" sur la France.

Des personnages importants - journalistes, écrivains, hommes politiques, etc - réfugiés en France, étaient au nombre des internés.

Henry JACOBY, publiciste berlinois, a relaté comme suit son séjour dans le CAMP DE BASSENS :

"Nos châlits étaient installés dans un immense entrepôt. Il y avait en outre un bâtiment dans les diverses pièces duquel se trouvaient des lits qui furent occupés peu après notre arrivée par des hommes appartenant à des classes d'âge plus anciennes qui avaient été internés entre-temps.

Au milieu du terrain de la fabrique se dressaient quelques tours à poudre inachevées, pas très hautes et qui étaient recouvertes d'arbres et de buissons qui avaient pu se développer ici tranquillement pendant vingt ans. Ce coin ne tarda pas à s'avérer très intéressant pour moi. Tous les matins, il fallait nous mettre en rangs afin que puissent être choisis des hommes dont on avait besoin sur le port de BORDEAUX pour des travaux de chargement. En général, le nombre d'hommes requis était facilement réuni parce que beaucoup étaient heureux de sortir du camp et de gagner de l'argent de poche.

En principe, les travaux intérieurs - avant tout le nettoyage des dortoirs - devaient être exécutés par ceux qui n'étaient pas aptes au travail sur le port, mais, pratiquement, ils étaient pris en charge par un groupe d'homosexuels - des Allemands de l'étranger - qui voulaient rester entre eux. Mais, comme tout le monde devait être affecté à une tâche, le mieux était - quand on préférait malgré tout ne pas être envoyé sur le port - de se faire invisible. Le secteur des tours à poudre était tout à fait désigné pour cela, et c'est là que je passais le temps entre les repas avec un livre. Je pouvais alors, quand il faisait beau, m'exposer au soleil et, quand il faisait mauvais, trouver à m'abriter."

En juin 1940, l'approche de l'armée allemande de BORDEAUX fut la source d'une angoisse de plus en plus grande pour les internés de BASSENS qui craignaient d'être pris au piège et livrés à la GESTAPO. Henry JACOBY ajoute :

"Les choses finirent par en arriver au point que nous n'eûmes plus besoin d'aucune nouvelle sur la situation de l'armée allemande, car nous entendions le bruit du canon approcher d'heure en heure. Nous autres les émigrés politiques du camp, ne doutions pas un instant que la Gestapo s'avançait avec l'armée allemande et qu'elle mettrait avidement la main sur nous. Une nuit, des coups de feu éclatèrent dans le camp. La garde avait tiré sur un avion de reconnaissance allemand volant à basse altitude."

Peu de jours avant l'arrivée des Allemands à BORDEAUX (27 juin 1940), le commandant du Camp de BASSENS comprenant la gravité de la situation pour beaucoup d'internés, permit à la plupart d'entre eux de quitter le camp par petits groupes. Les autres eurent recours à des subterfuges pour s'échapper.

Quant aux archives du camp, elles furent détruites ainsi qu'il ressort de documents conservés aux Archives de l'Armée de Terre, à VINCENNES.

Mise à jour
02/10/2009